On est ici chez nous
Répètent-ils en boucle
ces chenus en bout de course
Face à eux face à ceux
qui veulent élargir
leur pays pour y loger
leurs dystopies
je dépose sur ta frontière
un baiser de Judas
n’as-tu pas dit hier
que nous étions « tous frères »
au nom de la raison
d’Etat
tu avances comme une funambule
sur un fil qui s'agite
le vent des trahisons
te fouette le visage
girouette sauvage
fidèle à tes félons
tu bondis sur l'autre flanc
de montagne
puissance du corps, de l'âme
tel un Eros en cavale
nous vivons comme des migrants
condamnés à l'exil
sans plus d’ancrage
dans un pays à géométrie variable
qui réclame une bouée de sauvetage
la poétique des ruines
hante les Abruzzes
remonte les rives
d’Aterno Pescara
Les hôtels de passe se débinent
défilent devant une bobine
de souvenirs qui ont rues sur pignon
dans une ville en suspension
Voir Rome et puis renaître
au-delà l’Italie s’étiole
il n’y a plus rien après le Nord
j'en perds le Sud
je ne fais décidément rien
comme tout le monde
les nations fragiles
je connais "en tant que belge"
je donne ma langue au chagrin
comme chantait l'amoureux de Paname
tu restes ici
pourquoi pas l'asylum?
le road movie le city trip
on est ici chez nous
répètent-ils en boucle
face à ceux
qui veulent conserver
leur pays pour y garder
leurs cérémonies
ils déposent sur ta frontière
un baiser de Judas
n’as-tu pas dit hier
que nous étions « tous frères »
au nom de la raison d'Etat
d'urgence
je reste ici chenu
vieillir rien ne peut
t'arriver de pire
fidèle à tes félons
tu bondis sur l'autre flanc
de montagne