Qu’aurais-je dû répondre à cette lettre
À laquelle je n’ai jamais fait suite jusqu’alors
Et si je répondais aujourd’hui, tiens, le 09 août 2023
À cette missive de rupture qui souffle ses quinze ans
Curieusement préservée comme un talisman
La lettre pend au frigo sur un magnet Nina Simone
Que dirait la personne concernée
devant ce saut imposé dans le passé ?
C’est toujours à retardement que l’on mesure
Ce que l’on a reçu a dit Claude Sautet
Je revois le dernier plan avec Michel Serrault
Chaque premier juillet je me refais Nelly et Monsieur Arnaud
Ses films racontent des êtres qui se manquent
Il y a parfois des personnes inconnues que l’on croise
Au hasard d’une decumanus après s’être perdu
Dans une cité de transit imprévue
Elles prononcent des phrases aux allures épiphaniques
Tu es une fille d’autrefois toi, ne reste pas dans cette maison
Tu n’es pas d’ici tu viens d’une autre dimension
Tu porte des siècles en toi, je t’en dirai plus mais
Veux-tu bien m’aider à porter mon cabas de courses ?
Que faire de ces mots que l’on greffe
Comme des points de suture
Quand le langage communicant sature le réel
De ces « cons munichants » qui enrage
à juste titre l'ami Pierre Dungen
Je vis pour l’intertexte et l’appogiature
Portant sur mes épaules le sauvetage des points virgules
dans une villégiature où les notes en bas
noirs s’exhibent en dessous de la page
sous la forme de scolies
la vie a des coutures écrit Dotremont
existe-t-il une clé pour dévider l’écheveau
les particules de vérités se déposent-elles à la surface
d’une eau aussi impénétrable qu’un cerveau
madame ce n’est pas grave si on écrit la suite au verso ?